Article écrit par Maître SUN Fa, pour Génération Tao. Version PDF.
La Fédération Chinoise de Wushu** a adopté le système des “Dan”, en application dans les arts japonais.
Le 11 novembre 1998, la Fédération Chinoise de Wushu a organisé une formation internationale de passage de Dans, destinée aux professeurs exerçant hors de Chine. Les personnes qui ont participé à cet événement ont été les premières à avoir obtenu ces grades.
Le Président de la Fédération, Monsieur Li Jie, a déclaré :
“Le Wushu** traditionnel peut recevoir une influence positive des pratiquants de pays étrangers. Cela favorise l’ouverture du Wushu vers le monde, et le fait avancer sur la voie qui mène aux Jeux Olympiques”.
Après une semaine de formation ayant pour but d’uniformiser l’enseignement, tous ont concouru pour différents grades. Ceux qui ont obtenu leur diplôme ont reçu une délégation pour développer les arts martiaux chinois dans leur pays de résidence. Ainsi, 25 professeurs en provenance de France, des Etats-
Unis, d’Australie, d’Allemagne, Singapour, Suisse Hongkong, Japon, ont vu officialiser cette mission. La plupart étaient des professionnels ayant exercé auparavant en Chine.
La France était représentée pour cette manifestation par Sun Gen Fa et Liang Chao Qun, qui ont obtenu respectivement le 7ème et le 5ème dan.
Pourquoi les Chinois adoptent-ils le système des Dan ?
Pour le karaté, le judo, l’aïkido et le tækwondo, les Dan étaient institués depuis un certain temps. Quant au Wushu, si l’on remonte à la dynastie Tang (7-8ème siècle), on découvre que ce système existait déjà. En effet, à cette époque qui marque l’âge d’or des arts martiaux chinois, la pratique du Wushu était très structurée. Elle se composait d’examens, de sélections… ; on désignait les plus hauts niveaux par le titre de “lettrés” du Wushu.
Sous la dynastie Qing (17ème-20ème siècle), une répression sévère s’abattit sur le Wushu car, pour de nombreuses raisons politiques, le gouvernement se sentait menacé. Ce fut une période de régression qui s’instaura. N’étant plus soutenus par l’Etat, la pratique et l’enseignement se trouvèrent désorganisés. Les arts martiaux perdirent de leur prestige. Ils étaient considérés comme des activités de basse condition.
Cette dévaluation dans la société ne toucha heureusement que leur image : le niveau technique ne se trouva pas affecté.
Puis, avec le développement économique, les arts martiaux connurent un nouvel essor, dont le succès déborde aujourd’hui très largement les frontières de la Chine. S’il existe une grande variété de compétitions de Wushu, elles ne permettent cependant d’évaluer que la performance technique. De plus, elles s’adressent aux pratiquants jeunes.
Pour les pratiquants plus anciens, ou pour ceux que la compétition n’intéresse pas, rien jusqu’à maintenant ne permettait de définir leur niveau. L’attribution des Dan comble ainsi ce manque.
Ce système comporte deux intérêts essentiels :
– D’une part, cela permet désormais de reconnaître la compétence de tous.
– D’autre part, cette évolution fait rentrer le Wushu dans le système international, et optimise les chances de voir ce sport figurer parmi les disciplines olympiques.
Fonction des passages de Dan
Pour les pratiquants jeunes, les Dans représentent des objectifs de progrès, à la fois sur le plan physique et sur le plan spirituel. C’est donc un facteur important pour la personnalité toute entière, qui sert de moteur et de guide tout au long de l’apprentissage.
Précisons que les Dan sont attribués en fonction de 3 critères principaux :
1) il faut posséder un certain nombre de “vertus” telles que la sincérité, la modestie, la discrétion, la solidarité, le courage…C’est l’élément le plus important.
2) Le niveau technique vient en seconde position.
3) En dernier lieu, on qualifie la démarche philosophique.
Ainsi pour accéder à des Dans supérieurs (à partir du 7ème), il faut pouvoir justifier de sa contribution au développement des arts martiaux : apporter un enrichissement par la rédaction d’ouvrages novateurs, originaux, et promulguer cette discipline non seulement en tant que sport de combat mais comme éveil global de la personne.
Ainsi les Dan constituent un système d’évaluation balayant les champs physique et mental, qui doivent se trouver en équilibre.
Au fil de sa progression, l’élève vise un but toujours plus élevé, sans limite. L’enseignant doit inculquer des règles morales en même temps que la technique pure. Il faut être un modèle, un exemple à suivre. C’est une véritable école de la personnalité, où la plus parfaite correction est exigée. Cela permet aussi de fidéliser le pratiquant à sa discipline, car la réussite pousse à persévérer.
Il convient cependant de ne pas attribuer aux Dans plus d’importance qu’ils n’en ont : en effet, certains pratiquants ne possèdent aucun grade tout en étant d’un très bon niveau.
En toute chose, il faut rester nuancé. Les Dans ne doivent pas constituer l’unique reconnaissance de la valeur. De plus, le Wushu étant un art, il est parfois difficile de le juger.
Le fait d’obtenir des grades de plus en plus élevés présente parfois un risque : la tentation est grande de se considérer comme un être supérieur, qui n’a plus rien à apprendre. Une telle attitude ne convient pas à la déontologie des Dans. Dans ce cas, le grade peut être retiré.
En tout temps, en tous lieux, il faut respecter une discipline, garder la même direction quel que soit le chemin déjà parcouru.
Les Dans servent donc un double objectif.
Le passage des grades est institué officiellement en Chine depuis le 30 juillet 1998. Les 7, 8 et 9ème Dan ont d’abord été décernés aux personnalités de haut niveau. On a reconnu le 9ème Dan à 4 grands maîtres âgés de 70 à 90 ans, à titre honorifique. Ce sont : He Fu Sheng, Zhang Wen Guang, Tsai Long Yun et Xi Yun Taï. Par ailleurs, Fu Sen Yuan, le fils de Fu Zhong Wen (le maître de Sun Gen Fa), a obtenu le 8ème dan. Il a 69 ans. Il représente le plus haut niveau au plan international.
Par cette officialisation, la Fédération chinoise de wushu devient ainsi une valeur de référence au niveau mondial.
* Dan : système de grades appliqué dans des arts japonais pour distinguer les niveaux de progression des ceintures noires. La maîtrise technique, l’art du combat, la qualité de l’esprit, l’ancienneté et la fidélité à une tradition, la contribution au développement social de l’art pratiqué ou la pédagogie sont autant de critères qui permettent d’évaluer l’attribution des Dan.
** Wushu : terminologie chinoise désignant l’ensemble des arts martiaux.
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